Au large des côtes brésiliennes, dans les eaux tièdes de l’Atlantique sud, les marins murmurent encore le nom du Vermillon, un vaisseau fantôme dont la voile déchirée porte l’empreinte d’un crâne de vigne noircie. À sa tête : la capitaine Lys Morgane, une jeune femme à la beauté ensorcelante, à la peau d’albâtre, aux yeux mordorés comme un vieux Bordeaux, et au cœur plus sec qu’un fût abandonné en plein désert.
Nul ne sait d’où elle vient. Certains racontent qu’elle fut jadis une noble française promise à un riche marchand, qu’elle noya lors de leur nuit de noces pour voler sa flotte. D’autres disent qu’elle est née d’une tempête, de la mer et du sang. Ce qui est sûr, c’est que le Vermillon apparaît toujours au crépuscule, lorsque la brume s’épaissit et que le vin tourne dans les cales.
Lys ne chasse pas l’or, ni les trésors. Elle traque les navires transportant des caisses de vin rare, les aborde sans un bruit, et massacre l’équipage dans une danse macabre. Ceux qu’elle épargne deviennent ses esclaves : forcés de servir le vin qu’elle boit à la coupe d’un crâne poli. Les tonneaux vides sont ensuite jetés à la mer, mais l’océan refuse leur offrande : ils flottent, maudits, jusqu’aux plages, avertissant les vivants.
Ce qui la pousse ? Un amour fou pour le vin, dit-on, mais un vin vivant, possédé. Elle ne boit que celui fermenté dans la peur, le deuil, la haine. Elle prétend qu’il lui donne des visions. Elle rit, parfois, en regardant l’horizon, murmurant : « Je vois la fin du monde dans un verre de Syrah. »
Le Vermillon ne laisse que silence et tempêtes derrière lui. Mais les pêcheurs racontent qu’à la pleine lune, quand la mer devient rouge sombre, on peut entendre sa voix — douce et cruelle — chanter un toast funèbre, accompagné du cliquetis de coupes brisées.
Et si vous êtes un capitaine, et que vos cales contiennent du vin, surtout… ne le laissez pas respirer. Car si Lys Morgane en sent le parfum, elle viendra. Et elle boira jusqu’à ce que le dernier de vos hommes pleure du vin noir.
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Commentaires
Texte magnifique, merci pour ce partage !