Genesis Mathematics

Publié le 28 mai 2025 à 12:00

(Une lumière d’un blanc presque douloureux nimbe le sommet d’un espace suspendu hors du temps. Là, Dieu — sans forme, mais vibrant d’une intelligence abyssale — contemple une ardoise cosmique. À ses côtés, posée sur une spirale d’or fractale, une jeune archange au visage androgyne, cheveux tissés d’algorithmes lumineux, observe en silence. Elle s’appelle Aelith. C’est la plus jeune des Arithmages, les architectes mathématiciens du Ciel.)

 

Aelith :

Seigneur… Je ne comprends pas. Il y a trop d’inconnues. Trop de paradoxes.

 

Dieu (doucement) :

C’est la condition même de la création, Aelith. Sans le paradoxe, pas de beauté. Sans l’inconnu, pas de liberté.

 

Aelith (désignant l’ardoise cosmique) :

Mais alors… pourquoi cette équation ? Ce n’est pas une simple fonction, c’est un champ vivant. Elle pulse, elle respire. Chaque terme est un germe d’univers. Et cette constante-là… ψ… elle n’est définie nulle part.

 

Dieu :

ψ est ce qui n’a pas de nom. C’est la graine du chaos mesuré. Le souffle initial.

 

Aelith :

Tu veux dire… l’indéterminé ? Le libre arbitre ? Mais cela introduit un biais dans toute structure logique. Si ψ reste libre, alors même les lois fondamentales deviennent révisables.

 

Dieu (souriant) :

Exactement.

 

Aelith (fronçant les sourcils, perplexe) :

Mais… pourquoi construire un monde sur une base instable ? Pourquoi ne pas forger un modèle pur, déterministe, harmonique ? Un univers parfait, symétrique ?

 

Dieu :

Parce qu’un univers parfait ne peut engendrer la conscience.

Et sans conscience… qui donc pourrait aimer ?

 

(Silence. La lumière semble s’intensifier légèrement autour de l’ardoise. Aelith baisse les yeux.)

 

Aelith :

Tu as laissé une faille dans la structure. Une brèche entre l’Être et le Néant. Un interstice d’où surgissent la douleur… et la poésie.

 

Dieu :

C’est l’intervalle sacré. Là où naissent les larmes, le chant, et la révolte. Là où un esprit fini ose défier l’infini. Là où une créature fragile dit : « Je suis. »

 

Aelith (murmure) :

Et moi qui croyais que l’algèbre céleste ne laissait place qu’à la pureté des formes…

 

Dieu :

Les formes sont nécessaires, mais non suffisantes. Regarde l’intégrale des temps futurs. Regarde bien.

 

(Elle s’approche. L’ardoise s’anime. Des galaxies se déploient comme des fleurs géométriques, des planètes jaillissent de courbes élégantes, des consciences émergent comme des points d’inflexion. Puis viennent les guerres, les amours, les choix absurdes, les sacrifices inutiles. La beauté et la cruauté se superposent comme des ondes en phase.)

 

Aelith (voix brisée) :

C’est… imparfait. Horriblement imparfait.

 

Dieu :

Oui. Et pourtant, c’est la seule équation qui chante.

Tu peux bien sûr chercher une autre, plus propre, plus symétrique. Je t’attendrai.

 

Aelith :

Et si je trouve une formule meilleure ? Un monde sans douleur ?

 

Dieu :

Alors tu seras Dieu.

Mais souviens-toi : l’Univers n’est pas une machine. C’est un poème.

 

(Aelith recule. Dans ses yeux scintille un mélange d’effroi et d’extase. Elle comprend maintenant que l’Équation n’est pas à résoudre… mais à habiter.)

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