Prière dans la chair et la pierre

Publié le 13 avril 2025 à 12:00

Seigneur,

Regarde-moi.

 

Je suis venue seule, au matin pâle,

Parmi les ronces et les pierres froides.

L’église est morte, disent-ils —

Mais moi, je la sens encore respirer.

 

Elle m’accueille dans son silence,

Ses colonnes fendues comme des vertèbres anciennes,

Ses arches disloquées, penchées comme des bras brisés.

Les vitraux sont tombés, mais la lumière,

Elle, s’infiltre toujours, tremblante, pudique,

Et caresse la poussière en suspension comme une promesse oubliée.

 

Au milieu des gravats, j’ai dénoué les liens.

La robe est tombée à mes pieds,

Simple tissu devenu inutile.

Ma peau a frissonné sous l’air humide du sanctuaire,

Comme si c’était Toi qui venais me toucher.

 

Je suis nue, Seigneur.

Nue dans Ton temple abandonné,

Nue comme une offrande ancienne,

Nue comme une vérité qui n’a plus peur.

 

Et cette nudité n’est pas faiblesse,

Elle est appel.

Elle est le cri du corps qui Te désire.

Non dans la honte, mais dans la splendeur de sa forme,

Dans la fièvre de son souffle, dans la chaleur de son sang.

 

Car c’est par la chair aussi que je Te cherche.

Par ce ventre qui palpite,

Par ces seins qui se tendent à l’air comme à une bénédiction,

Par ces jambes que je plie devant Toi comme devant l’Amour même.

Tout en moi T'appelle —

Mon dos arqué dans la prière,

Mes lèvres entrouvertes qui murmurent Ton nom

Avec le même soupir qu’un baiser.

 

Dans ces ruines, je me sens plus vivante qu’au milieu des vivants.

Chaque pierre semble s’éveiller à ma présence,

Chaque brèche dans le mur laisse passer un souffle divin.

La mousse me couvre les pieds, fraîche et douce,

Comme une caresse que la terre m’offre

Pour bénir mon abandon.

 

Et Toi…

Tu es là, je le sais.

Tu es dans cette chaleur invisible sur ma peau nue,

Tu es dans cette vibration entre mes cuisses refermées,

Tu es dans cette larme lente qui coule sans douleur.

 

Je T’aime, Seigneur, de tout mon être,

Et cet être, ce n’est pas que mon âme.

C’est aussi ce corps, fait pour sentir, pour trembler,

Pour se tendre vers Toi comme vers un feu.

C’est dans ce corps que je T’appelle,

Dans ce cœur battant, ce sang qui roule,

Dans cette fièvre qui est prière elle aussi.

 

Fais de moi Ton autel de chair.

Grave Ton nom sur mes hanches,

Écris Ton souffle entre mes omoplates,

Consacre ma peau, non par pudeur, mais par passion.

 

Que ma nudité soit amour,

Que mon offrande soit totale.

Que cette ruine soit le lieu de notre alliance —

Non dans l’oubli, mais dans l’ardeur.

 

Car je Te veux tout entier,

Comme je me donne tout entière.

 

Amen.

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